1914-1918 : la guerre du Canada – La Somme

Le cinquième partie de notre série par Carl Pépin, PhD. Aujourd’hui ? La Somme.  

Image: Horse ambulance picking up wounded at advanced Dressing Station, close up behind front during the great battle. Sept. 15th, 1916. [Battles of the Somme – Flers-Courcelette] . Canada. Dept. of National Defence/Library and Archives Canada/PA-000680

Vers le front de la Somme

Le transfert du corps canadien de la Belgique vers la France débute le 26 août 1916 et il est complété le 3 septembre suivant, lorsque les derniers éléments arrivent dans la vallée de la Somme, en Picardie. La bataille – ou la campagne – de la Somme en est une d’envergure. Elle s’amorce le 1er juillet par une offensive conjointe des forces françaises et britanniques. Les progrès ont été bien minces depuis cette date et les pertes catastrophiques. Les Canadiens doivent alors prendre la relève d’une partie du front tenu par des Britanniques à bout de souffle.

Les soldats canadiens sont déployés dans le secteur de Pozières, relevant notamment le 1er corps d’armée australien. La 1ère division canadienne remplace la 4e division australienne, tandis que les trois autres divisions canadiennes restent en réserve non loin. L’intégration fragmentaire et progressive des Canadiens sur le front de la Somme s’explique en partie par l’idée de leur laisser le temps de se familiariser avec le secteur. La tâche initiale de la 1ère division en ligne consiste à dégager la crête de Pozières, ce qui est chose faite au soir du 9 septembre.

Le prochain objectif – et premier véritable test – du corps canadien sur la Somme vise à s’emparer des défenses ennemies autour du village de Courcelette, du village lui-même et du système de tranchées qui couvre la superficie entre les localités de Courcelette et de Martinpuich. Le village de Courcelette est situé sur la route Albert-Bapaume et sa capture inclut au préalable la prise d’un autre objectif : une ancienne raffinerie de sucre.

L’honneur de mener la charge contre ces objectifs incombe à la 2e division, entre autres parce qu’elle a été relativement épargnée au Mont Sorrel en juin dernier. Celle-ci reçoit également les tout premiers chars d’assaut à être mis en service, soit sept unités sur les 49 disponibles.

La bataille

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Image: Canadian positions at the Somme, Sept-Nov. 1916. Map courtesy ‘Canadian Soldiers’ retrieved 10 March 2017 from http://www.canadiansoldiers.com/history/battlehonours/westernfront/thiepval.htm

Ce qui est convenu d’appeler la bataille de Flers-Courcelette débute au matin du 15 septembre 1916 par un intense bombardement d’artillerie qui pulvérise d’abord la raffinerie de sucre. En un court, mais féroce engagement, les Allemands évacuent leurs tranchées de première ligne aux abords de Courcelette et la raffinerie est enlevée par le 21e bataillon, faisant du coup 150 prisonniers.

Dans le but d’exploiter ce succès initial, la 5e brigade (2e division) poursuit l’offensive à partir de 18h et certains de ses éléments pénètrent dans Courcelette. En effet, deux des bataillons de la brigade, le 22e (canadien-français) et le 25th Nova Scotia Rifles livrent aux Allemands de sauvages combats au corps-à-corps. Pendant au moins un quart d’heure, au soir du 15 septembre 1916, des centaines de soldats de part et d’autre se frappent dessus avec tout ce qui leur tombe entre les mains. Conscients de l’importance stratégique de Courcelette, les Allemands contre-attaquent une douzaine de fois dans les jours qui suivent, soit du 15 au 18 septembre. Complètement encerclés dans Courcelette et coupés du reste du monde pendant trois jours et trois nuits, les soldats du Québec et de la Nouvelle-Écosse résistent tant bien que mal.

Sur la gauche de la 2e division se trouve la 3e qui rencontre, elle aussi, une sérieuse résistance en face de la fameuse tranchée Fabeck, qui part d’un coin nord-ouest de Courcelette jusqu’à la ferme du Mouquet. Le 16 septembre, la tranchée Fabeck est aux mains des Canadiens et la liaison avec la 2e division sur la droite, dans Courcelette, est établie.

Aucun repos

La bataille de Flers-Courcelette se termine officiellement le 22 septembre. Au cours de cette semaine sanglante, le Corps canadien a perdu environ 7 200 combattants. Comme si cela n’est pas assez, le corps livrera quelques jours plus tard d’autres affrontements qui tourneront au carnage. À titre d’exemple, nombre de bataillons qui ont été décimés à Courcelette reçoivent des renforts inexpérimentés et doivent repartir à l’attaque presque immédiatement, au début d’octobre. La situation donne une idée toute relative des pressions exercées sur des combattants usés à la corde et renvoyés au front à peine après être sortis d’une bataille majeure. On peut y voir là le triste portrait des terribles conditions qui ont régné au front lors de la guerre de 1914-1918.

ancre-hights-mapImage:[carte] The Battle of the Ancre Heights, Sketch 33 dans Official History of the Canadian Army in the First World War: Canadian Expeditionary Force 1914-1919, Colonel G.W.L. Nicholson, CB, 1962. 

Cela dit, l’offensive est maintenue. Cette fois, le corps canadien doit s’emparer d’une position fortement défendue nommée la tranchée Régina, située quelque peu au nord-est de la crête de Thiepval. Tous les efforts menés par les Canadiens échouent, alors que les vagues d’assaut se butent à des défenses ennemies presque intactes, sous le feu croisé des mitrailleuses et de l’artillerie. Non sans surprise, les pertes montent à un niveau inquiétant jusqu’à ce que, finalement, le 17 octobre, les trois divisions canadiennes qui ont pris part à cet assaut – la 1ère, 2e et 3e – sont relevées et envoyées au nord, en face de la crête de Vimy pour se reconstituer. Vimy est à la fin de 1916 un secteur relativement tranquille.

Le baptême de feu de la 4e division

Pendant ce temps, la 4e division, qui n’a pas encore été testée, arrive dans la Somme le 10 octobre, alors que les trois autres divisions du corps canadien s’apprêtent à quitter ce théâtre d’opérations. Par conséquent, la 4e division est temporairement insérée dans l’ordre de bataille du 2e corps d’armée britannique.

Toutefois, le baptême de feu de la division est brutal, dans la mesure où on lui assigne la tranchée Régina comme objectif. Par surcroît, en ce début d’octobre, les conditions climatiques se détériorent grandement, transformant le terrain en mer de boue, non sans compter que les traces visuelles – et olfactives – des combats des semaines précédentes sont traumatisantes.

Cette 4e division inexpérimentée s’est néanmoins bien comportée à sa première bataille sur la Somme, parvenant même à capturer et tenir la tranchée Régina au moment d’être relevée le 28 novembre, après avoir pris d’autres systèmes de tranchées en support à celle de Régina. La division est restée en ligne pendant sept semaines consécutives et elle est à son tour transférée au nord, dans le secteur de Vimy, pour y rejoindre le reste du corps canadien.

Bilan de la Somme

Pour le Canada, la bataille de la Somme s’est officiellement déroulée du 9 septembre au 28 novembre 1916, où les combats autour de Courcelette et des tranchées Fabeck et Régina demeurent les épisodes marquants de cet engagement. Les pertes canadiennes s’élèvent à 24 000 hommes. Notons au passage que trois Croix de Victoria ont été décernées à des Canadiens et que la nouvelle 4e division a relevé avec brio le défi de son premier baptême de feu. Elle a contribué à son tour à la réputation d’agressivité du corps canadien sur les champs de bataille d’Europe.

Le corps se trouve maintenant au pied d’une haute crête tenue par les Allemands depuis 1914 et jugée imprenable. Son nom : Vimy.

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